A New York, ce sont les enfants qui décident et qui agissent pour changer leur monde. Grâce à l’association Common Cents qui œuvre, depuis plus de vingt ans, à transmettre la passion de l’engagement sociétal aux jeunes générations. Plus de 800 écoles de la ville participent au programme de collecte de pièces jaunes ! L’équipe accompagne ensuite les éducateurs et les jeunes dans leurs choix d’allocation des sommes récoltées avec des outils pédagogiques sans cesse renouvelés. Common Cents permet à ses publics de comprendre les raisons, le fonctionnement et les conditions du succès de l’engagement. L’association appartient au mouvement du Service Learning.
S’engager pour sortir de la crise
En temps de crise, le Service Learning fait des émules ; après le bobo, l’engagé ! Ce mouvement, surtout développé dans le monde anglo-saxon, gagne du terrain en Asie (en Corée du Sud et au Japon notamment) et en Europe (en Espagne avec l’Aprendizaje Servicio et en Allemagne). Les aficionados de l’engagement se multiplient et la tendance gagne même nos organisations. Les nouvelles générations sont ainsi biberonnées à la responsabilité sociétale mais pour autant, l’engagement conserve son statut, à part. Derrière ce regain d’héroïsme du quotidien, se cache ainsi une question de valeur. L’humanité prend petit à petit réellement conscience de ses défis mais de là à déclencher son potentiel d’action à bon escient… Aujourd’hui, la data fait loi. Pour que la prise de responsabilités soit pérenne et efficace, il faudra effectivement en prouver la valeur.
Depuis des années nous tergiversons sur les causes de la récession domino et procrastinons quant il s’agit de proposer des solutions tangibles et durables. Nous cherchons le coupable afin de mieux nous dédouaner. Nous préférons faire porter la responsabilité de la fuite en avant et déléguer celle de la reconstruction, plutôt que de prendre à notre compte la responsabilité d’innover changeant de regard sur les systèmes en place. Et si la responsabilité importante à retenir de la crise ambiante n’était pas celle que l’on croit ?
Certes, repartir de zéro semble préférable pour effacer l’échec et croire en notre potentiel disruptif, mais force est de constater que l’innovation portée par les activistes, les entrepreneurs sociaux, les philanthropes et autres acteurs de changement reste périphérique. Les forces nouvelles ne forment pas encore une alternative viable en tant que telle. Chacun œuvre en parallèle pour proposer une voie meilleure.
Il est donc de notre responsabilité – et nécessité – individuelle et collective d’intégrer ces idées et modèles aux systèmes qui, bien que branlants, résistent et garantissent un certain équilibre à nos sociétés. Pour cela, nous ne pouvons exclusivement nous reposer sur les gouvernants, c’est au contraire l’occasion formidable jouer la carte démocratique et de nous engager.
Apprendre à s’engager
Pour autant, si l’empathie est intrinsèque à notre condition humaine, l’engagement n’est pas inné, notamment celui qui pourra véritablement porter le changement.
La prise de conscience de la gravité des multiples problématiques sociétales globales demeure encore la réalité de trop peu. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs des engagés, individus désirant redonner, organisations soucieuses de leur réputation et parfois même de leur impact. La tendance est à la professionnalisation du secteur social, à l’utilisation d’outils habituellement propres au monde des affaires pour optimiser l’impact de l’engagement et le mesurer. En effet, face à l’ampleur de la tâche, nous devons faire preuve d’organisation pour éviter toute déperdition d’énergie et de moyens. Certains ont donc pris en charge la formation des novices et des amateurs du bien commun. On enseigne maintenant l’intérêt général.
En effet, il ne suffit pas d’éveiller les consciences, de partager les outils, de fournir des compagnons d’engagement et des cadres cléments pour que celui-ci relève de l’évidence. Une seconde nature engageante serait le terreau idéal de la responsabilité intégrée. Ainsi, chacun, et tous ensemble, nous aurions le réflexe naturel d’intégrer notre responsabilité sociétale à nos quotidiens, professionnels et personnels. Alors seulement, nous aurions les moyens d’être agiles, réactifs, efficaces dans la gestion des défis sociétaux qui nous préoccupent. Nous voyons bien l’importance de parvenir à créer cette organisation engageante.
Reste à savoir comment passer d’un désir de mieux ponctuel, à un investissement sérieux récurrent, à un engagement réflexe systémique. Ici, rappelons nous le lien fait par de nombreux Grands Hommes, tels Nelson Mandela, entre le changement social et l’éducation. La pédagogie permet la sensibilisation et la transmission des moyens d’action, elle se veut égalitaire, ouverte et accessible. Nous venons de voir l’importance d’apprendre à s’engager pour y réussir. Il s’agit là de la première partie vertueuse du Service Learning.
S’engager pour apprendre
La seconde relève des effets de la dynamique d’engagement sur l’apprentissage même. Pour que l’intérêt général s’inclus naturellement dans nos comportements, il devrait participer à notre façon d’apprendre. Apprendre à s’engager oui, mais s’engager pour mieux apprendre semble être la clé de l’organisation engageante.
En France, l’association l’Ecole de la Philanthropie (www.lecoledelaphilanthropie.org), s’est créée il y a 3 ans à cet effet. Les Fondations Edmond de Rothschild m’avait encouragée, alors que j’y travaillais en tant que chef de projet responsable de l’éducation, a y incuber et à développer ce premier programme éducatif d’engagement citoyen. Il s’agissait de permettre aux jeunes de s’engager pour ensuite rapatrier les fruits de ce processus dans leur quotidien d’élèves. En œuvrant pour l’intérêt général ils apprennent à a analyser un contexte, à collaborer, à faire preuve de créativité, à mélanger empathie et efficacité, à prendre en compte la diversité, à développer leur curiosité, à présenter leurs idées, etc. Ils comprennent pourquoi la grammaire, les langues, les mathématiques sont essentiels, ils réalisent qu’ils sont capables d’avoir un impact positif sur le monde, ils se sentent valorisés et apprécient davantage leur statut d’apprenants. L’engagement a modifié, vers le mieux, leur manière d’apprendre et avec elle leur potentiel à avancer et à construire.
Mon objectif au travers de l’Ecole de la Philanthropie était ainsi de montrer comment l’engagement peut être créateur de valeur pour les individus et, par transitivité, pour les organisations dans lesquelles ils évoluent, que ce soit une école ou une entreprise.
L’engagement, nouveau levier de performance et d’impact
Les entreprises développent des programmes de mécénat de compétences, des stratégies de responsabilités sociétales et des programmes de développement durable. Elles font cela pour des raisons d’image, par obligation légale et comptable, par conviction, pour motiver leurs collaborateurs ou afin d’incarner certaines de leurs valeurs. Elles sont de plus en plus nombreuses à utiliser l’engagement comme blason. En utilisant les résultats de l’Ecole de la Philanthropie, il serait intéressant d’étudier, au regard de toutes ces dynamiques, l’état des systèmes apprenants au sein de ces organisations. Nous sommes à l’ère de l’information et la formation des salariés est un levier de performance et de compétitivité précieux. Si une dynamique d’engagement pouvait faciliter l’apprentissage, il serait alors d’autant plus intéressant pour les entreprises d’œuvrer pour l’intérêt général. Les collaborateurs s’engagent, ils découvrent et maîtrisent de nouvelles compétences et font éclore leurs potentiels sous un jour nouveau. La performance humaine et économique de l’entreprise en serait augmentée. L’organisation bénéficie donc directement de ce processus et est par ailleurs, par leur intermédiaire, capable de gérer une part de responsabilité sociétale plus importante. L’organisation est engageante.
De l’échelle et l’intérêt de l’engagement
Les défis sociétaux sont tels que nous n’avons pas d’autres choix que de partager les responsabilités de réponse ; entre les acteurs du changement professionnels, les gouvernements et instances internationales mais aussi entre nous tous, avec les organisations que nous formons. Pour réussir, nous devons apprendre à nous engager. Pour être efficaces et garantir la qualité de notre impact d’une part ; pour pouvoir extraire un potentiel renouvelé, une valeur ajoutée et donc un intérêt consistant au changement de cette dynamique d’autre part. Le cercle vertueux associant engagement, éducation, impact et bénéfices pourrait se mettre en place dans le cadre d’une organisation engageante.
L’organisation la bonne échelle du changement ? L’engagement, nouvelle échelle de valeur ?